Lettre à Jêrome Rodriguez, Gilet Jaune

Courrier à Jérome Rodrigues, gilet jaune, et à Pascal Praud, journaliste suite au débat sur Cnews du 2 janvier où furent évoquées les conséquences sanitaires du nuage de Tchernobyl sur la France.

Messieurs,

Depuis plus de 3 décennies on enregistre une très forte augmentation des maladies thyroïdiennes : nodules, goitres, thyroïdites de Hashimoto, cancers, dérèglements etc.

Les graphiques et publications officiels en ce qui concerne les cancers de la thyroïde l’attestent .

Cancers papillaires de la thyroide

Graphiques du BEH du 26.4.2016 et de l/Agence Nationale de Santé Publique dans le courrier du Ministère des Solidarités et de la santé du 18/11/2017.

cancers papillaires de la thyroide

Dans le même temps explosion des ventes de Lévothyrox , graphique ci-joint, source AFMT.

Chiffre de vente du levothyrox

En mai 86 le nuage de Tchernobyl a survolé la France.les radionucléides , particules radioactives, ont contaminé l’environnement : l’air,le sol, l’eau, les végétaux. cf. travaux de la CRIIRAD.

AUCUNE contre mesure n’a été prise pour protéger la population même pas pour les plus vulnérables(enfants, femmes enceintes) alors que certains produits alimentaires enregistraient une contamination dépassant largement les normes,recommandations et règlements.

Aussi on ne peut espérer qu’un organisme scientifique d’État , l’InVS, devenu ANSP, apporte une preuve irréfutable du lien de cause à effet entre Tchernobyl et la forte augmentation des pathologies thyroïdiennes.

Des registres français enregistrent, avec des registres italiens, les plus fortes hausses d’incidence du cancer de la thyroïde pour l’Europe. De l’ordre de 600 % d’augmentation en France depuis Tchernobyl pour le cancer papillaire, seul type reconnu comme radio induit.

Les deux facteurs de risque avérés du cancer de la thyroïde sont : l’exposition aux rayonnements ionisants (externe et interne) et les carences en iode , mais ce dernier facteur n’est plus d’actualité en raison de la généralisation des sels iodés. D’autres facteurs ne sont que suspectés : pesticides, détergents, perturbateurs endocriniens.

Ces hausses anormales d’incidence reconnues sont surtout mises sur le compte de l’évolution des pratiques médicales ce qui est contestable .

cf. thèse de doctorat en médecine de Sophie Fauconnier (2006).

de même le manque de corrélation franche entre contamination au Cs 137 et cancers de la thyroïde, mis régulièrement en avant pour écarter l’impact de Tchernobyl, peut s’expliquer par les phénomènes météorologiques locaux faisant varier le type de dépôts (pluie, bruine, brouillard) , mais aussi les disparités régionales dans les habitudes alimentaires , les types d’élevage et cultures et l’intervention d’autres pollutions locales.

Depuis 1986 on a assisté à bon nombre de faits troublants concernant les études (ou leur absence) sur l’impact médical de Tchernobyl.

En voici une sélection :

1) la région PACA-Corse , une des régions les plus concernées par les retombées de Tchernobyl enregistre un pic d’hypothyroïdie néonatales en 1986 : 23 cas au lieu des 9 attendus (9 étant la moyenne des 8 années précédentes.) Cet excès a été constaté par Ségolène Aimé, scientifique dépositaire du registre qui a voulu se pencher sur ces cas ; on l’en a dissuadée.

Les hypothyroïdies néonatales sont les premières pathologies engendrées par les iodes radioactifs.

2)Discordance des données officielles : au plan national 2 publications différentes donnent pour la France métropolitaine un nombre global d’hypothyroïdies néonatales différent : 179 pour M.L. Briard (Paris) dans son article « l’explosion de Tchernobyl a-t-elle augmenté l’incidence des hypothyroïdies congénitales en France » et 193 cas dans la publication des statistiques officielles dans le bulletin de liaison « la dépêche ». Pourquoi cette discordance ?

3) modification des données et arrêt – disparition du registre régional des cancers de l’enfant PACA-Corse en 1996 , registre tenu par le Professeur Bernard de Marseille .

17 cas de cancers de la thyroïde de l’enfant entre 1984 et 1994 dont 14 cas entre 1992 et 1994 .Soit 3 cas en 8 ans puis 14 cas en 3 ans.

Une nouvelle répartition est faite,après intervention de la Direction Générale de la Santé, dans un communiqué et le registre s’arrête sans explication.

Il est fort probable que ce registre ait enregistré également une hausse des leucémies de l’enfant puisque cela a été constaté en Corse. Au final, quand un registre dérange on l’arrête.

4) l’énorme hausse des pathologies thyroïdiennes autres que les cancers (thyroïdites, goitres, nodules, dysfonctionnements) est totalement passée sous silence donc non étudiée. Elle concerne des millions de Français, véritable problème de santé publique totalement ignoré et un coût colossal pour la société.

L’affaire du Levothyrox nous a rappelé l’importance de l’épidémie des maladies de la thyroïde.

l’étude financée par la Collectivité Territoriale de Corse confiée à l’équipe indépendante du Professeur Cremonese de l’hôpital Galliera de Gênes en 2012 chiffre l’excès des thyroïdites à +78,28 % pour les femmes et + 55,33 % pour les hommes, et ce, après avoir été très rigoureuse dans l’application des facteurs de confusion.

Tous les médecins généralistes et endocrinologues et chirurgiens du cou, qui ont exercé avant et après Tchernobyl ont été les témoins de ces hausses.

5)Une analyse descriptive approfondie de l’incidence des cancers de la thyroïde chez les enfants et adolescents pendant la période 1997/2001, publiée dans le BEH en avril 2006,part du principe que

« les jeunes nés après le 1er juillet 86 n’ont pas été contaminés par les retombées radioactives du nuage de Tchernobyl » ce qui est une aberration pour 3 raisons :

-dans plusieurs régions l’iode 131 est toujours présent dans l’environnement au cours du mois de juillet 86

-les jeunes nés à partir du 1er juillet et jusqu’au début de l’année 87 ont été contaminés à l’état de fœtus

-les fœtus constituent une cohorte très vulnérable.

Cette étude s’appuyant sur des bases fausses ne peut avoir que des conclusions erronées.

La CRIIRAD, l’AFMT, l’Association Henri Pezerat et moi même n ‘avons pu obtenir la reprise de cette étude par l’ANSP. Demande faite par courrier au Ministère des Affaires Sociales de la Santé et des Droits de la Femme le 1er juin 2016, relance le 31/08/ 2016 , puis au Ministère des Solidarités et de la Santé le 27 septembre 2017.

6) Une publication dans le BEH le 26.4.2016 visant à faire un point rassurant sur les conséquences sanitaires de Tchernobyl en France qui passe totalement sous silence l’évolution des taux d ‘incidence du cancer de la thyroïde chez l’enfant alors que le registre PACA-Corse et l’ étude précédente (d’avril 2006 citée ci-dessus) avaient montré des augmentations de cancers de la thyroïde chez l’enfant et l’adolescent surtout pour la tranche des 10-14 ans entre 87 et 2001 ; un suivi s’imposait.

7) une étude cas témoin dirigée par Florent de Vathaire de l’INSERM sur les facteurs de risque des cancers de la thyroïde chez les sujets jeunes nés après le premier janvier 1971 dans l’Est de la France et ayant développé un cancer différencié de la thyroïde entre 2002 et 2006 , étude mise en route en 2005 avec un budget prévisionnel d’1 000 000 € . Cette étude comportait un interrogatoire approfondi et des analyses ADN sur plus de 1500 personnes, les résultats étaient prévus en 2010. Pas de conclusion à ce jour, l’étude est »bloquée ».

8 ) Le plus judicieux pour étudier l’impact de Tchernobyl sur la population serait de comparer la santé globale des personnes de 2 cohortes. L’une qui aurait subi de plein fouet la contamination , par exemple celle des personnes nées en 85 et 86 , à l’autre totalement épargnée du moins par les iodes radioactifs , par exemple celle des personnes nées en 87 et 88. Cela paraît simple et très logique mais n’est pas du tout envisagé par les scientifiques .

Monsieur Praud essayez de vous pencher sérieusement sur ces différents problèmes et aberrations scientifiques, éclairez nous , vous comprendrez vite ce qu’est le lobby nucléaire avec son réseau politique à pied d’œuvre pour « encadrer » les études et torpiller la vérité scientifique.

InVS : Institut de veille sanitaire

ANSP : Agence nationale de Santé Publique

BEH : Bulletin Épidémiologique Hebdomadaire , publications de l’InVS devenu ANSP en 2016

Costa le 13 janvier 2019

Docteur Denis FAUCONNIER

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