Lettre à la CTC - remarques sur l’étude italienne - 06/11/2013
Dimanche 10 janvier 2016Docteur Denis Fauconnier
Aux membres de la commission Tchernobyl de la CTC
Parmi les indicateurs de premier plan de l’impact d’une pollution nucléaire sur la santé des populations j’ai toujours insisté sur l’étude des hypothyroïdies néonatales, des cancers de la thyroïde de l’enfant et de l’adolescent, des leucémies de l’enfant.
Je n’ai trouvé dans les résultats de l’étude italienne aucune réponse et démarche satisfaisante.
1. l’étude des hypothyroïdies néonatales :
Nous ne retrouvons dans le rapport que des données à partir de 1995 pour la Corse et les régions « limitrophes », ce qui ne présente strictement aucun intérêt pour notre étude puisque l’effet des iodes radioactifs est immédiat sur ce type de pathologie. Existence ou non d’un excès en 1986 était la réponse attendue.
L’équipe italienne écrit en ce qui concerne la région PACA-Corse « pas de données disponibles avant 1990 » c’est ce qu’on leur a dit mais c’est totalement faux. (cf. ci-joint) : il y a manifestement mensonge et refus de communiquer les données à une équipe de chercheurs, ce qui n’est pas acceptable. Un pic dans le nombre de cas d’hypothyroïdies néonatales existe bien en 1986 en Corse. Cf. ci-joint
2. les leucémies de l’enfant :
L’étude italienne montre une augmentation du taux d’incidence des leucémies aiguës de l’enfant entre la cohorte exposée et les cohortes non exposées, sans que cette augmentation ne soit statistiquement significative. Ces résultats m’imposent deux remarques :
on ne peut pas dire que la cohorte des enfants nés et malades après 86 constitue une cohorte non exposée. Les leucémies ne sont pas spécifiquement induites par les iodes radioactifs de courte durée, l’irradiation a pu être faite après 86 par les radioéléments de période plus longue tels les césiums 134 et 137 ; une irradiation de cellules germinales ou des gamètes n’est pas à écarter.
il est regrettable que nous ne disposions pas de graphique où figure le nombre de cas de leucémies en fonction de l’année de naissance. Nous avons remarqué en Corse un excès de leucémie de l’enfant pour les cohortes nées en 85 et 86. Peut-être les données n’étaient pas disponibles.
3. les cancers de la thyroïde :
L’augmentation après avoir éliminé tous les facteurs de confusion n’est pas significative, voire inexistante, pourtant dans sa critique du rapport l’INVS place la Corse parmi les régions où l’incidence du cancer de la thyroïde est la plus forte de France avec l’Isère et la Vendée (réseau Francim) pour les périodes 1998-2001 et 2002-2006 et cette incidence a augmenté entre les deux périodes.
Il est bon de préciser que l’Isère qui possède un registre des cancers et qui a subi d’importantes retombées de Tchernobyl a enregistré une augmentation des cancers de la thyroïde de 500% en 20 ans à partir de 1986 et plus précisément une augmentation de 800% du cancer papillaire de la thyroïde qui est la forme radio-induite.
Par ailleurs le cancer de la thyroïde est devenu en Isère la première localisation cancéreuse chez les jeunes femmes de 15 à 29 ans à partir des années 2002. (Impensable avant les années 80)
Comment se fait-il que l’étude italienne n’ait pas montré cet accroissement de l’incidence reconnue officiellement ? Est-ce une exagération de la prise en compte des facteurs de confusion ?
En ce qui concerne les cancers de la thyroïde de l’enfant il est impératif d’exiger toute la transparence sur l’arrêt prématuré du registre régional des cancers de l’enfant de la région PACA-Corse. Registre ouvert en 1984 – stoppé en 1996, après la découverte d’une anomalie, un excès de cancers de la thyroïde en PACA-Corse (cf.détail ci-joint).
Quand un registre dérange on l’arrête.
A ce propos, nous avions entendu, à la CTC, en juin 2006, Florent de Vathaire , directeur de recherche à l’INSERM , qui cherchait une aide financière pour son étude de cas témoins qui concernait des adultes jeunes de l’Est de la France, Corse comprise, qui avaient moins de 15 ans en 1986 et qui ont développé un cancer de la thyroïde entre 2002 et 2006.
Il a ainsi retrouvé 850 cas pour cette période qu’il a étudié : interrogatoire approfondi et analyses chromosomique et génétique. Cohorte qu’il a comparée à 850 cas témoins sains. Pour finaliser l’étude il lui fallait disposer de la carte de France des dépôts radioactifs de Tchernobyl établie par l’IRSN pour tenter d’établir une corrélation entre les pathologies et l’intensité des dépôts radioactifs. Demande faite en 2008. En 2011 il n’avait toujours rien obtenu. M. Repussard, directeur général de l’IRSN, n’a pas voulu délivrer les données « Nous avons voulu éviter à M. De Vathaire une erreur méthodologique grave, car une étude fondée sur la cartographie des retombées n’a pas de sens » nous en déduisons que M. Repussard a un grand sens de l’humour. Nous n’avons toujours pas les résultats de cette étude. (cf. ci-joint)
On ne peut accepter de tels procédés qui entravent la science. Il faut exiger une transparence totale. Sans cette transparence il est logique de remettre en question toutes les publications statistiques concernant la santé en France.
La commission Tchernobyl, la CTC, l’ORS, se doivent d’interpeller le Ministre de la Santé pour exiger tous les éclaircissements concernant l’affaire du registre de l’enfant de la région PACA-Corse et concernant le pic en 1986 du nombre de cas d’hypothyroïdies néonatales de cette même région PACA-Corse avec l’impossibilité pour l’équipe de chercheurs de l’hôpital Galliera d’obtenir des données avant 1990
À Costa le 6 novembre 2013
4 pj : cancer de la thyroïde de l’enfant en région PACA-Corse, l’affaire du registre registre-des-cancers-paca-corse
Les hypothyroïdies néonatales hypothyroidies neonatales