3ème partie - Estimation de la contamination des populations
Il y a de jeunes corses élevés au lait de chèvre et beaucoup consomment régulièrement du fromage frais et du brucciu et non des « petits suisses » ; entre le lait de chèvre, le fromage frais, le brucciu, un enfant peut ingurgiter sans problème dans la journée l’équivalent de 2 litres de lait de chèvre ou de brebis, soit 80 000Bq d’iode 131 au début du mois de mai ou encore 600 000Bq en 40jours compte tenu de la décroissance.
Ingérer 600 000Bq d’iode 131 délivre à la thyroïde.
260mSv pour un adulte
570mSv pour un enfant de 10 ans.
1,14Sv pour un enfant de 5 ans .
Le Professeur Cogné, Directeur de l’IPSN admettra qu’un enfant de 10 ans ait pu recevoir 90mSv à la thyroïde ; de son côté la Société Française de Radioprotection admettra que les enfants corses aient pu recevoir des doses à la thyroïde de 30 à 170mSv, bien en-deçà de notre propre estimation mais par contre très au-dessus de la limite fixée par le décret du 15/06/66 en vigueur en France en 86, soit 15mSv.
A nos estimations de contamination par les produits laitiers il faut ajouter la contamination par inhalation et par ingestion des autres aliments, surtout les légumes très abondants à cette époque de l’année, notamment les salades et autres légumes à larges feuilles, qui ont la propriété de récolter beaucoup de bequerels.
Mais il n’y a pas eu que de l’iode 131, il y avait d’autres isotopes radioactifs de l’iode dont l’impact est loin d’être négligeable et tous les autres radioéléments les plus importants étant retrouvés dans la salade de Mandelieu.
Dans les champs de maraîchers il y a à peu près 9 salades au m2 ; si la pluie n’a pas été trop abondante la salade a pu fixer la presque totalité des retombées.
Les populations rurales et pastorales du Sud-Est et de l’arrière pays niçois se sont trouvées dans des conditions similaires.
Pellerin a ignoré tous ces facteurs particuliers et se retranche derrière des moyennes de contamination et des alimentations standards de citadins.
La radioprotection doit protéger tous les individus y compris les « groupes critiques », même s’ils sont en nombre limité au sein de la population française.
Les estimations de contamination de ces populations rurales sont, en ce qui concerne la thyroïde, du même ordre de grandeur que celle faite pour une importante proportion de jeunes ukrainiens ou biélorusses.
C’est la rançon de l’absence totale de contre-mesures.
Le cancer de la thyroïde a déjà frappé près d’un millier de jeunes ukrainiens et biélorusses.
En Corse cette contamination de la population ne peut pas rester sans conséquences sanitaires.
On est déjà stupéfait par le nombre de problèmes thyroïdiens ; les spécialistes se posent des questions (Pr Santini de Nice par exemple) , j’ai de mon côté essayé de faire un travail d’épidémiologie.
Dès 1986, après enquête, j’ai trouvé un excès de cas d’hypothyroïdie néonatale en Corse :
Entre 1980 et 1985 il y a eu 6 cas d’hypothyroïdie néonatale en Corse, soit une moyenne d’un cas par an ;
J’ai répertorié 5 cas pour la seule année 86, dont 4 cas entre le 15 mai et le 15 octobre.
De même en région PACA il y avait une moyenne de 9 cas par an, en 86 il y a eu 23 cas !
Dans ma propre clientèle j’ai constaté une augmentation des problèmes thyroïdiens, ce que confirmera le Dr Vellutini seul endocrinologue de Haute-Corse à l’époque.
En 1983, 84 et 85 la proportion de ces nouveaux patients consultant pour un problème thyroïdien est stable par rapport aux autres pathologies endocriniennes de 7,06 à 7,60%, en 1987 cette proportion passe à 20%, soit une augmentation de 172%. J’ai demandé au Dr Vellutini de me donner des précisions sur l’évolution des pathologies mois par mois et sur les lieux de résidence des patients pour les mettre en parallèle avec la contamination, il me refusera ces données mais les donnera à l’ORS ; le rapport de l’ORS est toujours secret.
En région PACA également il y a eu la troublante affaire des cancers de la thyroïde des enfants et du registre du professeur Bernard ; conférence de presse d’Annie Sugier, Directrice de l’IPSN , au Monde et au Nouvel Observateur : 3 cancers de 84 à 91 et 14 cancers en 92,93 et 94. Chiffres « rectifiés » par l’intervention de la Direction Régionale de la Santé. Il y aurait eu « erreur dans l’ interprétation des données ».
Il serait très intéressant de savoir qui a fait pression sur l’ORS, sur le Dr Vellutini, mais également sur le professeur Ardisson de Nice, sur Ségolène Aymé…
Concernant également les hypothyroïdies en France j’ai noté une discordance dans les publications ; y aurait-il là aussi une rectification :
193 cas dans la Dépêche sous la responsabilité du Pr Farriaux de Lille
179 cas dans l’étude de M.L. Briard (présidente de l’association française pour le dépistage et la prévention des handicaps de l’enfant).
On se demande encore si l’on peut faire confiance aux épidémiologistes :
Ceux de l’IPSN ou de l’INSERM (Florent de Vathaire par exemple) qui disent « on ne pourra pas mesurer l’impact de Tchernobyl sur la santé », pour cela ils avancent comme arguments que:
- le risque est trop faible pour être statistiquement significatif,
- on n’a pas de point zéro par manque de registre des cancers dans la plupart des régions françaises,
- si l’on trouve davantage de cancers et de nodules c’est que les nouvelles technologies permettent de mieux les dépister.
Si cela est peut-être vrai pour mesurer l’impact sur la santé du césium où un épidémiologie fine serait nécessaire, il n’en est pas de même pour l’iode qui a un organe cible, la thyroïde, et que l’excès de cancer de la thyroïde ou de nodules concernera préférentiellement les groupes à risque (milieu rural de régions contaminées).
La population des enfants nés après janvier 1987 n’a pas été en contact avec l’iode 131, elle peut constituer un point zéro à posteriori par rapport à la population née entre les années 1971 et janvier 87 c’est à dire ceux qui ont entre 13 et 28 ans actuellement.
Aussi faut-il avoir la volonté de mettre en place des registres en ce qui concerne les cancers de la thyroïde chez l’enfant, mais pour le CSSIN (Conseil Supérieur de la Sûreté et de l’Information Nucléaires) « rien ne paraît justifier une approche épidémiologique globale portant sur l’ensemble de la France. En effet il paraît peu probable qu’une telle démarche puisse faire ressortir des taux significatifs d’une quelconque pathologie. »(réunion du 16 décembre 1997). Beaucoup de français pourraient croire que ces registres sont systématiques, mais non, pas en France, allez savoir pourquoi…
Je demande la mise en place d’une commission d’enquête parlementaire pour déterminer toutes les responsabilité, pour faire ressortir les documents de recherche et pour entamer enfin un vrai travail épidémiologique.
Dans cette affaire ce n’est pas l’industrie nucléaire en elle même qui m’inquiète, ce sont les gestionnaires, qui, incapables de prendre les mesures nécessaires en cas de crise s’obstinent dans l’erreur, nient le problème, mentent, trichent entravent les enquêtes et pour finir trouvent une brochette de sommités pour les soutenir et cautionner leurs fautes.
L’erreur est sans doute humaine, bien qu’à ce niveau de responsabilité elle soit gravissime ; l’obstination dans l’erreur est criminelle.
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